International
A Medellin, « paix mafieuse » et bonnes affaires pour les narcos
AFP | Hervé Bar
Sept jours sans un seul homicide: le mois d’août à Medellin a marqué un nouveau record dans l’embellie sécuritaire que connait ces dernières années la deuxième ville de Colombie. « A Medellin, la sécurité se compte en vies » épargnées, a claironné à cette occasion son maire Daniel Quintero.
Dans les quartiers gangrénés par les trafics de drogue, pour les narcos c’était aussi une bonne nouvelle.
« La tranquillité, c’est bon pour les affaires », commente Joaquin (un nom d’emprunt), sourire en coin et casquette de rappeur trop grande sur la tête.
A 37 ans, dont deux en prison, Joaquin est l’un des petits « boss » qui contrôlent et supervisent le trafic de stupéfiants dans les rues de la « Comuna 6 », quartier populaire accroché à flanc de montagne dans le nord-ouest de la ville.
Le jean tombant sur le caleçon, pistolet Beretta 92 sous le sweat à capuche, ce capo aux allures d’adolescent est un membre d’un groupe obéissant au redouté cartel de « la Oficina de Envigado », les maîtres du crime organisé à Medellin, au cœur de tous les trafics illégaux et extorqueurs de la population selon les autorités.
« Social et politique »
Alors que le nouveau président de gauche Gustavo Petro ambitionne de négocier une « paix totale » en Colombie, y compris avec les groupes criminels, l’AFP a pu suivre quelques-uns de ces bandits contrôlant le microtrafic dans les rues de Medellin, la ville du défunt baron de la drogue Pablo Escobar.
« Escobar? Il était beaucoup trop violent. Trop de morts pour rien », commente Joaquin, le regard plongeant sur l’immense vallée urbanisée, accoudé sous l’une des lignes téléphériques qui ont tant aidé à désenclaver les quartiers pauvres.
« Nous sommes un groupe organisé qui obéit à la Oficina de Envigado. La loi nous connait, ils (police et justice) savent qui nous sommes… ».
« Ici nous sommes solidaires de la communauté », affirme le trafiquant. « A la différence d’autres bandes dans la ville, nous ne demandons pas un peso aux commerçants. Pas d’extorsion, aucun enlèvement ».
Joaquin décrit sa gestion du business comme « d’abord un travail social et politique », et « quelques fois seulement militaire ».
« Nous sommes la justice parallèle à la justice ordinaire », clame-t-il. Comme par exemple ce jour-là de localiser un homme accusé d’avoir abusé d’une enfant, dont le portrait à barbichette circule sur les téléphones portables de la bande.
En cet fin d’après-midi, des cohortes de gamins en maillot jouent sur un terrain de foot synthétique, couvés par les mères de familles assises sur une tribune de béton.
Dans le parc voisin, des ados fumeurs de joints sont priés gentiment de se diriger vers ce que Joaquin appelle des « zones de tolérance », sous un arbre éloigné ou une dalle isolée où se regroupent, à l’abri des regards, amateurs de cannabis et autres junkies.
« Tout le monde vit tranquillement sur notre territoire », affirme-t-il encore. « Il ne faut pas effrayer les commerçants et les gens. Nous voulons avoir la population avec nous ».
Poissons dans l’eau
Le gros business, dans ce quartier qu’ »il ne faut pas nommer pour des raisons de sécurité », c’est la drogue. La bande gère le marché dans toute la « Comuna 6 ».
« Nous avons nos magasins où les consommateurs viennent se ravitailler ». « Plusieurs dizaines » dans toute la commune, évoque Joaquin.
A deux pas du terrain de foot justement, des passages réguliers au pied d’une maisonnette anonyme signale l’une de ces « tiendas ». Un sac poubelle cache une porte-fenêtre où l’on encaisse la monnaie. La drogue descend de l’étage, dans une boîte de conserve accrochée au bout d’une ficelle.
Marijuana, cocaïne, « tusibi » et autre « basuco » (le crack local)… Les trafiquants fournissent de tout. N’est-ce pas empoisonner la communauté? « Chacun est responsable de ce qu’il fait… », élude Joaquin.
« Tout est organisé, c’est comme une entreprise. Il y a ceux qui s’occupent de la vente, de la logistique, les soldats. Les patrons paient nos salaires, on fait le boulot… »
Le plus frappant est sans doute la facilité avec laquelle les mains de ce trafic se meuvent au sein de la population.
« Nous sommes nés ici, nous vivons ici ». Dans ce dédale agité de ruelles en pentes et de maisonnées à briquettes accrochées en un gigantesque lego, Joaquin et ses hommes de main sont comme des poissons dans l’eau.
Ils discutent d’une boutique à l’autre, serrent des mains un peu partout, glisse l’air de rien une arme dans un sac, passe discrètement un paquet à la tenancière d’un snack…
Joaquin a donné rendez-vous à deux de ses acolytes et à l’AFP dans une maison perdue dans une venelle surveillée par des ados du voisinage.
Aux ordres des « patrons »
Des armes à feu sont posées entre des images saintes sur la table d’un salon crasseux. Des posters ringards de pur-sang pattes en l’air sont accrochés au mur, sous une reproduction naïve de la Cène.
« Il n’y a rien de tel que la paix », assure Javier, visage masqué et voix éraillée. « Chaque groupe gère son territoire à sa manière, tout le monde marche comme il veut. Les patrons discutent entre eux. Tout se règle calmement ».
Après les années de sang et de plomb de l’époque Escobar, ravagée par la guérilla, les paramilitaires et les opérations musclées de l’armée, Medellin a commencé à faire sa mue au début des années 2000. Et les bandits aussi, qui se sont mis à s’entendre entre eux pour faire moins de bruit.
« Il y a un accord entre groupes, une paix mafieuse », confie Joaquin, pour qui « le dialogue permet de solutionner les problèmes ».
« En ce moment tout est très calme, et tant mieux. Les armes longues (fusils d’assaut) sont planquées ». La dernière fois qu’il a fallu les sortir pour patrouiller aux limites du quartier, c’était au début de l’été, quand le Clan del Golfo (plus puissants narcos du pays) « s’agitait » contre la police.
Il y a aussi les « Pachelly » à gérer, une bande rivale, de vulgaires « mercenaires », grimace Javier.
« C’est quand tout le monde cherche le pouvoir que les problèmes arrivent », résume Pedro, caressant son calibre 38, un joint dans l’autre main. « S’il faut faire la guerre, alors on l’a fait. Mais si on ne fait pas de bruit, tout le monde est content ».
« La police, l’administration… Ce sont eux les plus pourris, ils volent tous », soutient-il. « A Medellin, il y a de la mafia et de la corruption partout », reprennent en chœur les trois hommes.
Les propositions de paix du gouvernement? « Nous sommes disposés à écouter. On fera surtout ce que les patrons décident. Et Petro peut venir ici, au final ce sont eux qui commandent ».
« Nous avons fait sur notre territoire ce que ni la loi ni l’Etat n’ont jamais pu faire. Ici c’est déjà la paix totale. Qu’avons nous à gagner de celle de Petro? », s’interroge Joaquin.
« Car n’oubliez jamais une chose », conclut le caïd: « Medellin, ce sera toujours la ville des bandits ».
International
Boric demande « plus d’humilité » à Milei, après les déclarations controversées de son ministre de l’Économie
Le président du Chili, Gabriel Boric, a demandé ce jeudi « un peu plus d’humilité » à son pare argentin, Javier Milei, qui au lieu d’apaisser la polémique initiée cette semaine par son ministre de l’Économie, Luis Caputo, lui a montré son soutien sur les réseaux sociaux.
« Je veux dire au président Milei que les 5 000 kilomètres de frontière que nous partageons seront toujours là lorsque vous et moi partirons et que nous devons avoir un peu plus d’humilité, car nous, les présidents, passons, mais les peuples et les institutions restent », a déclaré Boric lors d’un acte officiel dans la région méridionale de Ñuble.
La polémique a commencé mardi lorsque Caputo a assuré dans une interview à la station argentine Radio Mitre que l’extrême droite doit diriger ses efforts vers la soi-disant « bataille culturelle » si elle veut que ses politiques économiques durent dans le temps et a donné comme exemple le Chili, « le pays d’Amérique latine qui a sorti le plus de gens de la pauvreté depuis les années 80 jusqu’en 2010 ».
Le Chili, a poursuivi le ministre argentin, « a négligé la bataille culturelle » et « aujourd’hui, ils sont pratiquement gouvernés par un communiste qui est sur le point de les couler ».
Le gouvernement chilien a remis mercredi une lettre de protestation à l’ambassadeur d’Argentine dans le pays, Jorge Faurie, exprimant son rejet des propos de Caputo.
Tension entre Milei et Boric
Sur son compte X, Milei a écrit « Mettre les gauchers à leur place », en réponse à un tweet dans lequel l’écrivain argentin et politologue d’extrême droite Agustín Laje donne raison à Caputo.
« Je ne vais pas me référer au président de l’Argentine par des insultes ou des disqualifications, comme il a l’habitude de le faire. Je préfère parler positivement et dire à tout le Chili, ainsi qu’au peuple argentin frère, qu’au Chili, nous avons choisi de renforcer la santé publique et l’éducation publique et de ne pas les détruire », a déclaré Boric.
Quelques heures plus tôt, le ministre chilien des Affaires étrangères, Alberto van Klaveren, a déclaré que les déclarations de Caputo sont « inappropriées » et « inacceptables » et « révèlent un degré d’hostilité que nous ne nous expliquons pas ».
Ce n’est pas la première fois que Milei, dans les antipodes idéologiques de son cohom pair chilien, charge contre Boric. Au cours de la campagne présidentielle qui l’a conduit à la Casa Rosada, l’extrême droite a déclaré, entre autres choses, que l’arrivée au pouvoir de l’ancien leader étudiant en mars 2022 était « le début de la décadence du Chili ».
Boric, cependant, a téléphoné à Milei dès qu’il a remporté l’élection, s’est rendu à son investiture il y a un an et a clairement indiqué à plusieurs reprises – y compris ce jeudi – que « l’Argentine est un pays frère ».
La précédente riffirrafe a eu lieu il y a un mois, lorsque Milei a décidé de retirer son chancelier, Gerardo Werthein, d’un événement devant le pape François au Vatican en l’honneur du traité qui, il y a 40 ans, a empêché une guerre entre les dictatures pour le contrôle du canal de Beagle, en Terre de Feu.
International
Sánchez pense que le rapport de l’UCO exonère le procureur général et qu’il doit s’excuser
Le chef du gouvernement, Pedro Sánchez, estime que le rapport de l’UCO de la Garde civile sur le motif du procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, l’exonère dans la fuite d’informations sur le partenaire de la présidente madrilène, Isabel Díaz Ayuso, et ceux qui ont réclamé sa démission doivent maintenant s’excuser.
Sánchez a interprété ainsi lors d’une conférence de presse à Bruxelles le rapport de l’Unité centrale opérationnelle dans lequel il est affirmé qu’aucun message n’a été trouvé sur le téléphone portable de García Ortiz pendant la période où des informations de l’enquête sur la fraude du petit ami de la présidente madrilène auraient été divulguées.
Des sources fiscales ont rappelé qu’une instruction de 2019 sur la protection des données et un guide de base des actions du bureau du procureur conseillent aux membres de l’institution de supprimer périodiquement les appareils électroniques pour des raisons de sécurité.
Interrogé sur ce rapport, il a rappelé qu’il y a eu de nombreuses heures de rencontres et de « rivières d’encre dans les médias conservateurs » en disant que le procureur général devrait démissionner « et il s’avère qu’aujourd’hui dans le rapport de la Garde civile il est dit qu’il n’y a aucun message qui prouve cette accusation très grave ».
« Qui va s’excuser ? Qui va s’excuser auprès du procureur général de l’État ? Parce qu’il y a eu beaucoup de gens qui ont exigé sa démission sans preuve, avec de fausses accusations, avec des canulars et de la désinformation », a-t-il ajouté.
Le chef du gouvernement a insisté sur le fait que le rapport de la Garde civile indique qu’il n’y a pas eu de message, et devant ceux qui affirment qu’ils ont été supprimés, il a demandé « s’il vous plaît » que le débat public soit élevé et que ceux qui ont accusés sans preuves soient exigés de s’excuser et d’assumer leur responsabilité.
« L’infamie, l’accusation sans preuves ne peuvent être gratuites dans une démocratie comme la nôtre », a-t-il souligné avant d’accuser « ceux qui sont du côté du canular » de créer « un immense écran de fumée ».
Un autre rapport de l’UCO sur le débât du téléphone portable de l’ancien secrétaire général du PSOE de Madrid, Juan Lobato, a conclu qu’en plus de la conseillère de Moncloa Pilar Sánchez Acera, l’ancien secrétaire d’État à la Communication Francesc Vallés et son successeur, Ion Antolín, jusqu’à il y a quelques semaines directeur de la communication du PSOE, avaient connaissance, avant qu’il ne soit entièrement publié dans un média, du courrier dans lequel le partenaire d’Ayuso reconnaissait une fraude fiscale.
Interrogé à ce sujet, Sánchez a assuré qu’avec ces personnes, cela se produira de même qu’avec le procureur général de l’État parce qu’il n’y a rien.
Face à cela, il a de nouveau demandé au partenaire d’Ayuso de clarifier les crimes présumés qu’il a commis contre le Trésor public, a exhorté la présidente madrilène à assumer sa responsabilité politique et a insisté pour demander au leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, de l’exiger de l’assumer.
« La vérité est qu’il y a un président de la Communauté de Madrid qui a un partenaire qui a commis un crime fiscal, et donc lui-même l’a reconnu, contre le Trésor public, et nous ne savons pas – a-t-il ajouté – si elle était au courant ou non de ces crimes ».
International
Les États-Unis cherchent à étendre leurs prisons d’immigration dans au moins six États, selon l’ACLU
L’Immigration et le Service de contrôle des douanes (ICE, en anglais) des États-Unis « envisagent activement » plusieurs propositions visant à étendre sa capacité dans les prisons pour migrants dans au moins six États, dont les deux pays les plus importants, a annoncé jeudi l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).
Les sociétés GEO Group, CoreCivic et Management & Training Corporation (MTC) ont soumis des propositions de contrat pour augmenter la capacité et construire de nouveaux centres de détention en Californie, au Kansas, au Nevada, au Nouveau-Mexique, au Texas et dans l’État de Washington, conformément à des documents obtenus par l’ACLU en vertu de la loi sur la liberté d’information (FOIA).
La plupart des propositions soumises incluent des centres de détention ayant un long historique de conditions abusives, a déclaré l’ACLU dans un communiqué.
Plaintes de conditions abusives
Les entrepreneurs privés veulent réactiver le Midwest Regional Reception Center à Leavenworth (Kansas) ; le gouvernement fédéral a résilié son contrat en 2021 avec cette prison, anciennement connue sous le nom de Leavenworth Detention Center, en raison d’allégations de conditions abusives.
L’ICE recevrait également des propositions pour rouvrir le centre de détention pour familles à Dilley, (Texas), qui a été dans l’œil du cyclone après la mort d’un enfant de seulement 19 mois.
À cela s’ajoutent des projets d’expansion dans le centre de détention du sud du Nevada à Pahrump (Nevada), le centre correctionnel de California City (Californie) et deux prisons au Nouveau-Mexique : le centre correctionnel du comté de Cibola à Milan et le centre de détention du comté de Torrance à Estancia, qui font tous des enquêtes sur des lacunes dans les soins de santé et de mauvais état.
Selon l’enquête de l’ACL, l’ICE envisagerait également d’avoir plus de capacité dans trois autres centres de détention au Texas, deux autres en Californie, un à Washington et un dans l’Illinois.
Intérêt conjoint du secteur privé et de la future administration Trump
D’autres entreprises privées, notamment Kastel Enterprises, LLC., et Active Deployment Systems, qui fournissent des services pour construire des installations temporaires, et Sabot Consulting, qui propose une surveillance de la conformité et un personnel de détention, ont également soumis des propositions de service à l’ICE.
L’information est révélée à un peu plus d’un mois du retour du président élu Donald Trump à la Maison Blanche et de commencer à tenir sa promesse d’expulsions massives.
Eunice Cho, avocate principale du National Prison Project de l’ACLU, a déclaré dans le communiqué qu’il ne peut y avoir d’expulsions massives sans une expansion significative de la capacité de détention de l’ICE dans tout le pays « et c’est exactement ce que l’administration Trump entrante se prépare à faire ».
Mais en plus, Cho a accusé le gouvernement du président Joe Biden pour – dit-il – « aider » le républicain dans son projet de prisons d’immigration aux États-Unis. « Au lieu de fermer définitivement les centres de détention abusifs, l’administration Biden ouvre la voie au président élu pour qu’il se conforme à ses propositions cruelles et inhumaines. »
Le mois dernier, l’ACLU avait déjà signalé que le gouvernement démocrate avait lancé un appel à l’expansion de la capacité du centre de détention Elizabeth dans le New Jersey.
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